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Trop de carbone, tue le carbone !

mardi 25 juillet 2023, par La graine

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Apprendre sur l’environnement

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Présentation et critique de l’approche carbone et d’autres approches scientifiques de notre impact environnemental.

Introduction

L’idée n’est pas ici d’apporter une critique au sens populaire, mais de faire une analyse sur les limites d’une doctrine ou un ensemble de concepts (Merci Wikipédia [1]).

Le but est ainsi de voir les limites d’outils utilisés dans la situation de crise environnementale que nous connaissons et s’ils sont en adéquation avec ce qu’ils sont censés faire (atténuer cette crise).

Contexte global et historique

Tout d’abord, il a fallu que nous acceptions que nous dépassions des limites, via nos consommations de ressources. Ça n’était pas la première fois que nous en avions conscience [2], mais là, l’heure était grave…
Ainsi, des outils ont été mis en place pour calculer l’impact de l’activité humaine.

Analyse de Cycle de Vie

Dans les années 1960 apparaît l’Analyse de Cycle de Vie (ACV), qui se formalisera vers la fin des années 80 [3].

L’Analyse de Cycle de Vie s’intéresse à un produit ou un service. Lors d’une analyse par cycle de vie (ACV), on détaille des impacts, qui ne sont pas toujours tous inclus, selon la pertinence dans l’étude et/ou le choix des auteurs.

L’expression « du global au particulier » est fréquemment utilisé en sciences environnementales. La déconstruction permet de regarder chaque aspect, avant de retourner à une vision plus générale.

Au sein des impacts, nous considérons le changement climatique, le réchauffement global, la couche d’ozone, les pluies acides, la toxicité, le smog photochimique, les particules fines, les ressources naturelles, l’eutrophisation, les radiations ionisantes…

  • Parmi les impacts les plus connus, nous avons le changement climatique. Il s’agit de perturbations entraînant des crues, des pluies plus intenses, des sécheresses, des variations de températures (vers le plus ou le moins)...
  • Le réchauffement global est essentiellement causé par des gaz à effet de serre (GES),
  • La couche d’ozone naturelle, placée en haute altitude et qui nous protège des rayons ultraviolets (UV) du soleil est également souvent citée.
  • Les pluies acides sont nocives sur la faune et la flore. Elles causent la dégénérescence de certaines forêts.
  • La toxicité est aussi étudiée, soit sur les êtres humains, les écosystèmes ou plus spécifiquement sur les milieux aquatiques.
  • Le smog photochimique est connu comme un brouillard grisâtre urbain en suspension dans les villes. Il cause, entre autre, des problèmes respiratoires.
  • D’un point de vue respiratoire, les particules fines sont aussi étudiées. Elles sont mises en avant dans les indices de pics de pollutions.
  • L’impact sur les ressources naturelles est examiné par divers critères : l’utilisation de ressources naturelles non renouvelables, de l’eau, la consommation d’énergies, l’occupation des terres…
  • L’eutrophisation terrestre ou aquatique (rivière ou mer), va apporter un surplus nutritif déréglant totalement l’équilibre des écosystèmes.
  • Les radiations ionisantes concernent l’émission de radioactivité et des dommages causés à la santé humaine ou à l’environnement.
  • Enfin, certaines méthodes d’ACV moins utilisées, étudient aussi des éléments comme les nuisances liées aux odeurs...
    On a alors une valeur globale d’impact en pondérant chaque aspect et des valeurs spécifique de chaque aspect.
Critique

L’ACV est encore à ce jour, la vision la plus complète.

Il faut se rendre compte de certaines limites, en ayant conscience que tout prendre en compte est compliqué, voire impossible.

  • Certains critères peuvent ou non être corrélés les uns aux autres, d’une manière directe ou non, connue ou supputée. Une analyse de cycle de vie peut apercevoir ces différents éléments même s’il n’est pas toujours évident de définir certaines corrélations ou causalités.
  • On peut aussi remarquer l’absence de certains critères environnementaux comme l’érosion des sols, qui peut entraîner les « dust bowls » (bassins de poussière). Le retour de la matière nutritive au sol, grâce au compostage par exemple, lutte contre l’érosion des sols ce qui est essentiel. Le compostage est possible pour une grande partie de nos déchets domestiques (environ 30 % pour les déchets alimentaires ou environ 85 % en incluant les urines et matières fécales). Cet aspect est aussi absent des ACV. [4]
  • Il y a plusieurs façons de pondérer les valeurs. Ce qui peut faire fluctuer les résultats.
  • Il y a diverses représentations, certaines plus faciles à lire que d’autres pour un œil non expérimenté (En chiffres, diagramme de Kiviat, en diagramme pétales, en diagramme bâton…). Les choix de l’étude et de ses représentations influent sur l’image que l’étude renvoie.
    Ces critiques peuvent être connues par des personnes expertes du domaine. On peut alors avoir recours à d’autres outils pour compléter cette approche et on évite « certains pièges » en utilisant des données, des cadres d’études et des représentations claires, complètes et en adéquation avec l’objet d’étude [5].
    Certaines méthodes d’ACV moins utilisées étudient aussi des éléments comme les nuisances liées aux odeurs ou encore le bruit…

Empreinte écologique

L’empreinte écologique a été développée dans les années 1990 par Mathis Wackernagel et William Rees. Ils viennent du milieu universitaire, le premier est doctorant en planification communautaire et régionale et le second est doctorant en écologie des populations.
Ils s’intéressent plus spécifiquement à l’impact de l’activité humaine sur la Terre, autrement dit la pression environnementale.
Cette vision, bien que moins complète que l’ACV se concentre sur l’impact des consommations humaines et non des productions, apportant ainsi un nouveau regard. Le lien avec les productions est tout de même présent avec la notion de surface exploitée.

Critique

Il y a dans cette vision plusieurs critiques.
En se concentrant sur l’humain, cela donne une nouvelle vision, ce qui est plutôt une bonne chose.
Cependant, toutes les personnes qui ont calculé leurs empreintes le savent, même en indiquant les pratiques les plus vertueuses, cela ne suffit pas.
Il faudrait plus d’une planète pour que cela soit vivable au long terme, même si tout le monde avait les pratiques les plus vertueuses…
Nous aborderons ce point en fin d’article.

Empreinte carbone

Arrivée début 2000, le bilan carbone est une simplification des méthodes existantes.
On ne voit plus les impacts environnementaux qu’à travers le prisme du CO2 et du réchauffement climatique.

Dans l’impact carbone, le CO2 est la base et est égal à 1. Tout se calcule à partir de cette référence. Un indice de Pouvoir de Réchauffement Global (PRG) permet alors de considérer d’autres gaz comme le méthane (CH4). Le méthane a un PRG de 28, soit 28 fois plus impactant que le CO2 et est responsable de 16 % des émissions liées à l’activité humaine [6].

Critique

Cette vision très simpliste est même appréciée des gros pollueurs. Des entreprises mettent cette approche en avant, car on ne regarde plus le service ou le produit, mais la consommation [7]. Le consommateur est alors le responsable.

De plus, comme nous l’avons vu avec l’ACV, Il existe de nombreux autres impacts qui sont invisibilisés avec cette méthode. Certes, le réchauffement climatique est un réel problème, mais pouvoir manger, boire, respirer et être en bonne santé sont également essentiels à la vie.

Un bilan carbone ne considère que le carbone et c’est bien son souci majeur.
Les planctons sont les premiers producteurs d’oxygène, avant les forêts et ils captent le CO2 [8]. Ainsi l’acidification et l’eutrophisation des milieux aquatiques ont une incidence sur le CO2 et donc sur le réchauffement global, mais on ne les considère pas dans le bilan carbone.

On en vient à invisibiliser une partie non négligeable de l’impact carbone, en se focalisant uniquement sur l’impact carbone direct…

Il y a une intrication dans le vivant : des cycles, des chaînes alimentaires, des boucles de rétroaction qui doivent être prises en compte.

Retour d’expérience d’un ingénieur en environnement sur la méthode Carbone

J’ai eu l’occasion d’utiliser la méthode Bilan Carbone® mise en place en France (sur une commande, la méthode m’ayant été imposée).

Contrairement à une ACV où l’on a des choix d’approches et de données pour avoir une pertinence avec le sujet d’étude, ici les données étaient enjointes. La méthode est « normalisée », on ne peut pas s’en écarter ou avoir une critique, même fondée sur les chiffres ou certains aspects de l’approche…

Soucieux d’utiliser des données valides, je regardais et vérifiais les sources, pour ne pas utiliser des chiffres sans les comprendre. C’est alors que pas mal de choses m’ont frappé.

Les chiffres utilisés n’étaient pas issus de consensus d’experts, mais certaines valeurs semblaient fortement sélectionnées au service d’une vision personnelle. En effet, lorsque des données très variées existaient, un tri très spécifique était réalisé en écartant certaines valeurs, sans pour autant comprendre les raisons de ce choix.
Les écarts-types des incertitudes n’étaient pas justifiés et « faits à la truelle ». Ils étaient bien ronds les chiffres, ce qui n’est pas habituel et plutôt suspect.
Les sources n’étaient le plus souvent pas accessibles, ni consultables.

Il était impossible de remonter des erreurs, de collaborer ou encore d’avoir une démarche scientifique de base.

Des données plus précises existaient, mais n’étaient pas utilisables pour valider le calcul par la méthode. Pour valider le calcul, il fallait utiliser les chiffres officiels, même s’ils étaient datés ou imprécis.

Il y avait même des erreurs d’additions…

Ici, dans « Calcul des facteurs d’émissions et sources bibliographiques utilisées (version 3.0) AVRIL 2005 ».

Le total indiqué est 350,6 alors qu’il est de 344,5 pour le kg. équ. C si on réalise l’addition.

J’ai essayé de contacter à deux reprises l’auteur que je ne connaissais pas à l’époque (Jean-Marc JANCOVICI), ainsi que l’ADEME pour remonter des erreurs, mais cela est resté sans réponse…

Des pistes de solutions

Tout d’abord, un outil est un outil. Il peut être le plus complet possible, il ne fait pas tout. Changer d’approches selon les problèmes ou utiliser plusieurs outils adaptés aux situations est normal.

Ensuite, des données basées sur la société de la connaissance sont préférables à des intérêts privés et/ou idéologiques. Par exemple Open LCA, en plus d’être un logiciel libre et gratuit, propose l’accès à des centaines de milliers de données sur https://nexus.openlca.org/

Il est aussi normal d’écarter les données ayant des conflits d’intérêts pour éviter les biais cognitifs associés.

L’ouverture à la critique en vue d’amélioration est normale en science, de même que la validation par les pairs. On doit fuir tous les outils ayant des méthodologies douteuses et qui n’acceptent pas la collaboration ouverte. Ainsi, les sources doivent aussi être consultables !

Sur un autre registre… Revenons sur un gros problème évoqué dans cet article « Toutes les personnes qui ont calculé leurs empreintes (NDLR écologique) le savent, même en indiquant les pratiques les plus vertueuses, cela ne suffit pas. Il faut plus d’une planète, même si tout le monde avait les pratiques les plus vertueuses… »

Alors, c’est déjà foutu ?

Non, car les empreintes ne prennent pas en compte l’éco-conception et autres améliorations qui viennent des producteurs. De même, cela ne considère pas toutes les initiatives à impact positifs (éviter les déchets ou la production en réparant, en prêtant, mutualisant, donnant,… ou encore ce qui concerne directement la renaturation : faire des corridors écologiques, bouturer, renforcer les écosystèmes…
Les maisons passives...), sans parler de toutes politiques publiques qui peuvent être mises en places (gratuité des transports en commun ou faible coût, développement de pistes cyclables sécurisées, achats locaux et moins carnés pour les cantines scolaires…). Bref, cela ne prend en compte qu’un aspect fort incomplet. Nous abordons pas mal de possibilités d’actions sur notre site https://www.graineahumus.org/

Enfin, pour terminer…, revenons également sur un point technique abordé : Le méthane (CH4)
Le méthane a un PRG de 28, soit 28 fois plus impactant que le CO2. Cependant le CO2 met environ 100 ans pour se dégrader et le CH4 met 10 ans. Celui-ci étant rejeté par l’activité humaine dans l’atmosphère à hauteur de 16 %, c’est le moyen le plus simple d’agir et d’avoir des résultats à moyens termes (en limitant notre consommation de viande rouge par exemple).
Aussi, il serait possible de limiter fortement les halocarbures (CFC et dérivés) qui eux mettent jusqu’à 50 000 ans pour se dégrader et ne font que s’accumuler !

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